Les tendances managériales

Depuis que le management est devenu, au cours du XXe siècle, un champ d’études à part entière, de grandes tendances se sont dégagées dans ce domaine. Les modes managériales continuent d’apparaître, de se développer puis, souvent, de disparaître pour laisser leur place à de nouvelles pratiques insufflées par la recherche ou les médias. Cependant, ces grands concepts managériaux – dont la matrice BCG, ou encore le SWOT, sont les exemples les plus célèbres – ne se limitent pas à la théorie : de nombreux domaines de l’entreprise ont ainsi pu découvrir de nouvelles méthodes de travail, adoptées très largement à travers le monde. La fonction Ressources Humaines ne fait pas figure d’exception en la matière. Elle est particulièrement marquée par des tendances managériales passagères aux résultats mitigés.

 

Pourquoi les entreprises ressentent-elles le besoin d’adopter ces pratiques en vogue ?

 

  • En premier lieu, il s’agit souvent pour ces dernières de gagner en efficacité et en productivité face à des mutations technologiques ou conjoncturelles : on peut citer à ce titre l’exemple de la lean production, qui s’est durablement implantée depuis les années 1980 dans le secteur industriel, les services, puis l’administration. Les outils managériaux en vogue deviennent alors un vecteur d’adaptation, d’efficacité et de productivité. Ce point met en lumière le “pouvoir d’attraction” des outils managériaux, qui se proposent d’apporter des solutions rapides et efficaces aux problématiques les plus complexes.

 

  • Ensuite, les entreprises peuvent utiliser les tendances managériales pour améliorer leur image auprès de leurs interlocuteurs. C’est ce que démontre Reverdy (2005), à travers l’exemple des normes environnementales, en expliquant que l’environnement direct incite les entreprises à adopter les meilleures méthodes du marché afin de gagner en efficacité, mais également en publicité. En effet, n’est-il pas attirant de travailler pour une société respectant l’environnement, ou adoptant les méthodes managériales les plus innovantes ? Comme le rappelle Zerbib (2017), les actionnaires sont également rassurés par le comité de direction car l’entreprise fait preuve d’adaptabilité et d’esprit neuf en adoptant ainsi des outils récents et efficaces.

 

  • Enfin, certains chercheurs ont mis en évidence l’aspect “moutonnier” de ces tendances. Adopter un outil managérial en vogue permettrait aux entreprises de s’identifier à un univers dynamique, moderne, et donc attrayant, sans que l’outil en question soit toujours indispensable (L. François, Zerbib, 2015).

 

L’adoption d’une tendance managériale tiendrait ainsi autant de la technique et de la performance pure que de la psychologie des dirigeants.

 

Comment ces modes se diffusent-elles ?

 

Généralement, les premiers vecteurs de ces modes managériales ne sont pas des chercheurs ou des universitaires, mais des journalistes spécialisés qui traitent de ces nouveaux outils ou méthodes à travers un discours dit “émotionnel et subjectif” (Pardi 2015). Peu à peu, nous pouvons observer une adoption généralisée de la part des entreprises, période pouvant durer de quatre mois à six ans, jusqu’à atteindre un pic suivi d’une chute quasi-inévitable. Il est à noter que de rares tendances managériales réussissent à inscrire leur influence dans la durée. C’est par exemple le cas de la lean production.

 

Tendances managériales : véritables atouts pour la fonction RH ou faux-fuyants ?

 

Force est de constater qu’adopter une mode n’est pas toujours gage de résultats. En effet, nombre de modes managériales n’ont pas été approuvées par les études faites à posteriori. C’est le cas du management de la qualité totale dans les années 80-90 avec l’apparition de Total Quality Management (TQM), notion pouvant servir de parapluie à bien des concepts divers, pour finalement perdre son essence originale et faire disparaître peu à peu la mode en question (Giroux, 2006). De même, une mode managériale n’est pas toujours universellement suivie, comme par exemple le cas des PMO (Project Management Office) démontré par Quang Dang, Pinotton et Boudès (2007). Largement adopté en Amérique du Nord et dans les pays anglo-saxons, le concept de PMO n’a que très peu été diffusé en France, du fait de l’utilisation antérieure de méthodes équivalentes et efficaces.

 

Ces caractéristiques des tendances managériales se vérifient de manière globale, quels que soient les secteurs d’activité dans lesquelles celles-ci se déploient. Le colloque constituera l’occasion de s’y intéresser dans le domaine des Ressources Humaines. En particulier, la thématique du bonheur au travail, tendance incontournable depuis quelques années, sera approfondie.

 

 

Sources :

François L., Zerbib R. (2015) « Comment faire d’une théorie inefficace un phénomène de mode en entreprise ? », Harvard Business Review France

Giroux H. (2015) “Les modes en gestion”, Les cahiers de leçons inaugurales, HEC Montreal

Pardi, T. (2015). Quand une mode managériale s’institutionnalise: Le rôle de la marchandisation de la recherche universitaire aux États-Unis. Revue d’anthropologie des connaissances, vol. 9, 1,(1), 101-124. doi:10.3917/rac.026.0101.

Quang Dang, Q., Pinatton, S. & Boudès, T. (2007). L’adoption du Project Management Office en France : un retard à déplorer, une incompatibilité culturelle ou une résistance à la mode managériale ?. Management & Avenir, 12,(2), 105-125. doi:10.3917/mav.012.0105

Reverdy, T. (2005). Les normes environnementales en entreprise : la trajectoire mouvementée d’une mode managériale. Sociologies pratiques, 10,(1), 97-119. doi:10.3917/sopr.010.0097.

Zerbib R. (2017) « Pourquoi nous suivons (tous) les modes managériales », Harvard Business Review France

Posted on: 1 mai 2018, by : M2 GRH Multinationales