Rencontre à l’ambassade…
Lors de ce voyage, nous avons eu le plaisir de rencontrer Madame Claudia Delmas-Scherer, ambassadrice de France en Estonie. Elle nous a reçus à l’Institut Français en Estonie situé au cœur du vieux Tallinn. Cette composante de l’ambassade est en charge de la diffusion de la culture française en Estonie. Elle organise tout au long de l’année des événements comme le café des langues, propose des cours de français pour débutants et confirmés, et met en place divers partenariats avec les universités du pays.
Cet échange nous a profondément marqué et beaucoup appris sur l’économie estonienne, les relations diplomatiques avec ses voisins, ainsi que sur ses ambitions politiques et sociales. Il nous paraissait donc intéressant de vous proposer un compte rendu de ce que nous avons pu apprendre au cours de cette présentation. Si vous êtes curieux d’en savoir plus sur l’Estonie, cet article est fait pour vous !
Les relations entre l’Estonie et la France sont bonnes, voire très bonnes, puisque la France a fait partie des rares pays ayant reconnu l’indépendance de l’Estonie en 1918. En 1941, alors que le pays est absorbé par l’URSS, la France ne reconnaît pas l’annexion et les relations diplomatiques ne seront restaurées qu’à la sortie de l’Estonie du bloc soviétique, en 1991. L’année suivante, le président François Mitterrand se rend symboliquement à Tallinn afin de sceller la confiance retrouvée entre les deux pays.
Aujourd’hui, l’Estonie, bien que Baltique de par sa situation géographique, revendique un statut de « pays nordique » pour se détacher de ses voisins encore très reliés à la Russie, et entretient de forts liens économiques avec la Suède, l’Allemagne et particulièrement la Finlande. Cette dernière lui apporte d’ailleurs une aide financière précieuse en 1991 via des investissements, afin d’accompagner l’Estonie dans sa volonté de libéralisation. Ce sont près de 100.000 estoniens qui travaillent désormais en Finlande et les relations sont plus forts que jamais (rappelons également que la langue finlandaise partage 50% de son vocabulaire avec l’estonien).
Revenons un instant sur la volonté farouche de l’Estonie de mettre en place une politique très libérale afin de relancer son économie suite à l’occupation soviétique. Après 1991, le pays se lance dans un vaste plan de privatisation de grandes entreprises, le phénomène est quasi-total dans l’ensemble du pays. En parallèle, les politiques sont dans un rejet absolu de la dette. Cela implique donc un niveau d’emprunt minime. Même la crise de 2008 et son effet dévastateur sur l’économie estonienne (chute de 15% de la croissance) n’ont pas eu raison de cette philosophie : les dépenses publiques sont ajustées et adaptées afin d’éviter tout endettement.
L’Estonie se veut un pays de l’Ouest protégé par l’OTAN, et pleinement intégré dans la communauté européenne (ce fut d’ailleurs le premier pays balte à rejoindre l’Union Européenne puis à adopter l’euro en 2004). Son économie est devenue très libérale, ouverte aux investissements étrangers et en pleine transformation numérique. Le pays assure en 2018 la présidence de l’UE et désire ainsi une « présidence numérique », pour encourager les puissances comme la France et l’Allemagne à adopter davantage de services numériques notamment dans la vie publique (E-citoyenneté, vote électronique) et dans la santé (volonté d’un dossier patient électronique partagé pour toute l’Europe).
Il est intéressant de se tourner un instant vers la relation germano-estonienne. L’Allemagne fait partie des envahisseurs de l’Estonie quand, au 13ième siècle, les troupes allemandes ont colonisé le pays. Malgré tout, il s’agit aujourd’hui de partenaires commerciaux majeurs ; cela est rendu possible par une chose : lorsque les estoniens ont proclamé leur indépendance, les allemands ont reconnu leur défaite et ont quitté le pays pacifiquement.
Les relations sont plus compliquées avec son voisin russe, encore considéré comme une menace. De nombreux russes envoyés par l’URSS pour travailler en Estonie sont restés dans le pays après l’indépendance, et n’ont pas souhaité prendre la citoyenneté estonienne, malgré les propositions faites dans les années 1990-2000. Il existe ainsi une population de 80 000 apatrides en Estonie, une population mal intégrée et ne parlant pas Estonien. La population russophone représente en outre 25% de la population, on la trouve surtout à Tallinn et à Narva (dans l’Est), une ville qui compte un taux de chômage de près de 25%.
Les relations sont tendues entre ces différentes populations, et les violations commises par l’administration Poutine en Crimée, Ukraine et Géorgie ravivent un sentiment de peur en Estonie. L’OTAN a d’ailleurs posté des soldats (notamment français) à la frontière russe, en guise de précaution.
Dans ce climat, la visite récente du premier ministre estonien en France renforce les liens entre nos deux pays, après une période de doutes pendant les élections présidentielles françaises. En effet, les propos de certaines personnalités politiques françaises concernant un rapprochement avec la Russie faisaient peur aux estoniens. La collaboration avec le président Emmanuel Macron s’annonce donc plus facile pour eux. Cela est plutôt positif car les investissements d’entreprises françaises en Estonie sont importants, Alstom et Saint Gobain en tête.
Pourtant, peu de français partent en expatriation en Estonie : seulement 310 sont enregistrés au Consulat. Les étudiants français font augmenter quelque peu ce chiffre puisqu’ils sont près de 130 à partir en échange Erasmus dans l’une des sept universités d’Estonie. Nous accueillons quant à nous presque 70 jeunes estoniens en France. La difficulté majeure à laquelle se confronte l’Estonie en termes d’attractivité concerne les salaires, relativement bas dans le pays. De plus, les estoniens sont bien formés et parlent plusieurs langues, il est donc complexe pour un français de trouver un emploi là-bas.
Cette visite était la dernière que nous ayons faite à Tallinn, c’était également la plus enrichissante d’un point de vue culturel et politique. Nous avons découvert un pays à l’histoire riche et surprenante, franchement insoupçonnée depuis notre petite France. Cela nous a fait beaucoup réfléchir et apprécier d’autant plus nos derniers moments dans ce pays.
Alors que nous nous baladions dans la vieille ville, nous avons pris la mesure de ce que nous venions d’apprendre. Et nous ne l’oublierons pas.
Merci à l’ambassadrice Claudia Delmas-Scherer de nous avoir accueilli !
Posted on: 2 juillet 2017, by : M2 GRH Multinationales