DRH: le risque de la déconnexion

Lors du colloque organisé le 01 juin 2016, à l’ENA, par le Master 2 Gestion des Ressources Humaines dans les Entreprises Multinationales de l’IAE Gustave Eiffel (UPEC), nous avons pu connaître le point de vue des différentes parties prenantes de l’entreprise mais aussi ceux des professionnels RH le rôle et les sources de performance de la fonction.

A travers une série d’article, nous souhaitons revenir plus en profondeur sur certaines notions évoquées lors des débats. Dans cet article nous parlerons du risque à la déconnexion du DRH par rapport au terrain, notion mise en avant par Jean Paul Bouchet.

Jean-Paul BOUCHET était un des intervenants lors de notre première table ronde sur « la  vision des parties prenantes ». Avec un parcours singulier, cet homme a connu durant25 ans d’activités professionnelles diverses entreprises : de la fonction de pupitreur à celle de directeur informatique et organisation, puis de directeur général adjoint d’une société de services spécialisée dans les nouvelles technologies.Depuis 10 années, Jean Paul Bouchet est engagé à temps plein dans le syndicalisme national à la CFDT, européen à EUROCADRES et international au sein de UNI Global Union, président de l’Ires (2010-2013). Depuis le mois de juin 2009, il est le secrétaire général de la CFDT Cadres, et c’est avec ce titre qu’il a participé à notre débat.

Le débat a été animé dans sa totalité. Le secrétaire général de la CFDT Cadres a posé une question aux autres participants de la table ronde par laquelle il a fini par répondre lui-même : « Ils sont où les DRH ? Loin du terrain selon les collaborateurs ». En effet, déjà en 2012, suite à l’enquête « Radioscopie des DRH » de CEGOS nous apprenons que lesouhait des salariés est d’avoir des DRH de terrain avec un grand « H ».  Ils pensent que les nouvelles lois et la crise ont donné aux DRH plus de légitimité auprès de la Direction mais les ont coupés du terrain ce qui fait qu’ils sont peu à l’écoute et trop centrés sur le business.

Pour apporter de la valeur ajoutée, la fonction RH doit aussi être ancrée dans les réalités opérationnelles, dans ce qui est réellement vécu par les collaborateurs et les managers, sur le terrain, dans ce qu’il faudra impacter via la politique RH. Jean-Paul Bouchet expliquait lors du colloque que « la capacité des DRH à mettre en œuvre une performance collective est essentielle. Il faut se détacher du Business Partner ». En effet, depuis quelques années, nous parlons de RH Business Partner. Cette notion a émergé suite au constat d’une fonction RH dont la source de légitimité se limitait à des expertises déconnectées des enjeux de l’entreprise. Comme l’a écrit Izy Béhar, rédacteur en chef de la revue Personnel,« Le DRH business partner est devenu un rouage de la politique, en passant du statut “ d’utile ” (la fonction support par excellence) au statut nouveau “d’utilisé“.». C’est pour cela que Jean-Paul Bouchet a assisté lors de notre colloque du 01 juin 2016 sur le fait que le RH « doit remettre l’accent sur l’humain » et se détache du mouvement des Business Partner.  Selon Les Echos, nous sortons d’une période où les DRH ont été de plus en plus perçus comme des gestionnaires (via les DRH business partners), et c’est pour cette raison que les RH se sont éloignés du terrain. S’ajoute à cela, la rationalisation de la fonction RH. En effet, les responsables des ressources humaines sont de moins en moins nombreux, or, c’est eux qui organisaient le travail de terrain, et non les directeurs. L’apparition de nouveaux métiers et de nouveaux challenges font que les RH sont amenés  à faire de plus en plus de reporting, entre autres tâches qui s’apparentent parfois plutôt à du contrôle de gestion ou de la direction financière.

Sophie Corbillé du Celsa constate que “ceux qui réussissent sont ceux qui vont sur le terrain pour obtenir une bonne compréhension des métiers, réaliser les diagnostics adéquats et mettre en place les solutions appropriées ». Être proche du terrain, c’est pouvoir identifier de nouvelles problématiques “sociales” de l’entreprise comme l’éthique, la mixité, la parité, tout en étant visible pour l’ensemble des salariés. Et c’est ces actions que les salariés attendent des RH.